13 Novembre 2013
C'était la phrase du petit homme quand je faisais trop de bruit pour lui. Il la disait la main levée au niveau du visage, ses petits doigts serrés et le corps légèrement incliné. Je me souviens aussi de ses yeux sombres, si denses. Il y avait de la conviction dans cette invective !
Il a grandi. S'il avait eu 3 ans ce matin, je crois bien qu'il m'aurait rappelée au calme : je me suis énervée après les petits hommes.
Trop de temps perdu là haut pour se laver et s'habiller après le petit déjeuner ensemble. Pourtant très bien, le petit déjeuner. Très détendu. Très guilleret, avec le rire plein du petit homme dès les premières notes d'Eruption chantant "I can't stand the rain" (J'ai une liste Disco dans mon Ipod... Vous m'en diriez des nouvelles si vous l'entendiez !). J'ai improvisé une chorégraphie japonisante devant la Ricoré. Très loin du disco. Mais on a bien rigolé. Après, ça s'est gâté... Les petits hommes ont pris le temps. Le temps a filé. Mon flegme a dû partir avec lui.
Dans la voiture, en route pour l'école, je crie.
Combien va t-il falloir de matins ratés comme celui là pour que vous compreniez ? Combien ? Trouvez vous normal que je doive systématiquement monter pour que vous commenciez à faire ce que je vous ai demandé ? L'école commence à 8H45. 8H45 ! Ce n'est pas moi qui le décide, c'est comme ça, c'est un horaire à respecter ! Après le petit déjeuner, on se lave, on s'habille, ON NE PERD PAS DE TEMPS BON SANG !!
Les petits hommes sont silencieux. Malheureux. De retour dans la voiture après les avoir accompagnés, je ne suis pas mieux. Tristesse. Remord. Je vais voir la côte sauvage pour me laver de ce sale début de journée.
Isséo marche avec moi sur le sentier côtier. Je lui confie mes regrets. Son regard de cocker triste est parfait pour la circonstance : il compatit. Je me requinque, petit à petit.
Je décide de revenir à l'école. A midi dix, je suis devant les grilles. Avec Isséo. Je veux revoir les petits hommes. Leur sourire. Les faire sourire. Les embrasser. Ne pas rester sur les mauvais sentiments de la matinée. Midi trente. La cour est toujours déserte. Le repas à la cantine s'éternise. Pour tromper l'attente, je décide de faire des tours de stade. Isséo décide de jouer au football :
Quand Isséo a le ballon, il GARDE le ballon. Foi d'Isséo !
Midi quarante-cinq. Enfin les premiers écoliers dehors ! Je peux me renseigner. La conversation s'engage à travers le grillage. On m'informe. Le petit homme attaque son dessert. Le tout petit homme quant à lui, n'a pas été repéré. Comme je fais remarquer que le déjeuner est plus long qu'à l'accoutumée, on me répond que c'est parce qu'aujourd'hui, c'est pas bon. Haricots verts vinaigrette, oeufs durs, choux fleurs béchamel, flan antillais. J'admets. C'est pas bon. J'apprends qu'en plus, il y a une tranche d'ananas au sirop au fond du dessert... Horreur, dégoût et indignation de la fillette par qui je sais tout du menu, par le menu.
Midi cinquante. Voilà mon petit homme ! Il me repère immédiatement. J'ai été annoncée. La nouvelle de ma présence a fait le tour de la cantine en moins de 5 minutes. Il a cette expression qui veut dire : "Merci Maman, tu es venue me voir, mais pourquoi tu es là, j'suis content et intimidé et fier, regardez les copains, c'est ma Maman et c'est mon chien !" Isséo a très vite beaucoup plus de succès que moi. Les enfants se pressent, s'agglutinent pour le toucher. Le tout petit homme nous rejoint. Il tend les lèvres à travers les croisillons verts de la grille. Son baiser est tout petit sur ma joue à cause de la barrière. Pour moi, il est énorme ! Je me sens pleine, remplie et légère à la fois. Les enfants sont heureux. Ils jouent. Ils font même la course avec Isséo !
Le tout petit homme qui ne retient rien de ce qu'il ressent, me fait cadeau d'un bel éclat de rire avant de partir. J'ai bien fait de venir. Envolé le vilain matin. Elle sera belle cette journée !