24 Avril 2014
Et une bien mauvaise surprise en réalité.
Vous savez pas ce qu'elle me dit la demoiselle qui vient de m'injecter le jus de fruits radioactif dans le poignet ?
"Il faut rester avec nous pendant 3 heures. Une nouvelle loi nous interdit de vous relâcher dans la nature jusqu'à l'examen.
- C'est pas vrai ?
- Ah si si c'est vrai. On n'a plus le droit de laisser partir les patients après les injections de scintigraphie. On est en train de faire une étude sur les radiations émises par les injectés. Quand on saura ce qu'ils diffusent après l'injection, on verra."
Ce terme déjà, "les injectés"... Les injectés de sang, les morts vivants, les rampants sanguinolants s'extirpant de la tombe pour terroriser le voisinage, Vincent Price et sa tirade caverneuse dans la chanson de Michael Jackson, CAUSE THIS IS THRILLER ! THRILLER NIGHT !
Et puis ça aussi, c'est une note interne des hôpitaux de Marseille. C'est toujours intéressant de savoir le discours tenu par ceux qui savent, à ceux qui soignent :
un patient de votre service doit bénéficier d'une scintigraphie. Cette technique d'imagerie utilise un médicament radioactif qui émet des rayonnements ionisants. La dose utilisée nécessaire à l'obtention d'une image est la plus faible possible. Aucun risque n'a pu être démontré lors de l'utilisation de la radioactivité en imagerie nucléaire. L'irradiation du personnel est considérablement plus faible que celle du malade. que les soins à donner au patient ont la priorité.
En somme, pas de quoi paniquer. Mais gaffe quand même. Quand on voit qu'à chaque fois, le discours qui rassure est décanillé tout net par une seule petit phrase à la conclusion. MEFIANCE !
Il doit repartir. Par la vitre pas bien nette de mon étage, je le vois s'éloigner sur le parking, au volant de sa voiture. Il improvise à la ville, un lèche vitrine sans but, sans envie, ni besoin. Exaltant. De mon côté, c'est l'effervescence. Tant d'occupations enthousiasmantes s'offrent à moi sur mon fauteuil en skaï... Que faire ? Je décide d'accorder 20 minutes pleines à mon jambon beurre. Bien mâcher. Longuement. Regarder le paysage au dehors. La ligne des arbres. Le ciel bleu. La terrasse de la cafétéria juste là, sous mon nez. J'y serais tellement mieux, avec eux... Ne pas regarder le paysage au dehors finalement. Changer de place. Tourner le dos à la fenêtre. Manger mon yaourt aux fruits rouge. Ne rien faire d'autre à côté. Ne pas pas écrire. Ne pas lire en même temps. Ce serait du temps de gagné bêtement sans y faire gaffe. Du temps de rab à occuper sans occupation ensuite. Ouh la la, j'ai bien failli faire faux ! Je savoure la texture de mon Danone. C'est tendre et ferme à la fois, comme un flan frais dans la bouche. Sous le blanc, au fond du pot, la cuillère découvre la couche de framboises. Morceaux. Sirop. Ca fait des tourbillons de rouge dans le blanc quand je touille. Je regarde la spirale disparaitre tout à fait dans le mélange qui rosit. 7 minutes sur le yaourt. Qu'ai-je d'autre ici voyons... 2 clémentines ! Epluchage consciencieux des clémentines. Bien retirer les petites fibres accrochées. C'est long. C'est bien. 16 minutes pour les clémentines. 20 minutes pour Voici. 5 minutes pour les mots croisés de Voici. Je n'ai pas fini la grille en 5 minutes, je te rassure ami lecteur. Je me suis découragée en 5 minutes, c'est très différent. 10 minutes de pipi radioactif. En plusieurs fois. Je veux aussi te rassurer sur ce point. 2 minutes de conversation avec mon voisin de fauteuil en skaï. Gentil, mais inintéressant. 2 minutes de conservation sms avec mon homme. Intéressant lui, mais très, TRES désoeuvré. Ce qui fait que j'ai dû employer 1H38 à rien ! C'est long, 1H38, une heure trente-huit, de contemplation vide. Fais l'essai toi aussi, ami lecteur et tu verras. Choisis un fauteuil confortable, c'est mieux, de ta maison. Assieds toi. Et contemple le mur d'en face durant une heure et trente-huit minutes. Pendant ce temps, je te laisse, ne m'en veux pas : je sais déjà ce que ça fait.