14 Avril 2014
Hier, le petit homme s'est agrippé gaillardement à ma jambe. Il le fait depuis toujours. Ses 10 ans récents n'ont rien changé à l'affaire. C'est son jeu. Koala accroché à ma cuisse : "Je t'aime Maman. Je veux rester avec toi toujours !" Déclaration à laquelle je réponds invariablement depuis 2 ans : "Moi aussi mon grand. Dépêchons nous de nous aimer. On ne sait jamais ce que la vie va nous réserver." Je me plie en deux, je l'entoure comme je peux de mes bras, nous voilà serrés bien fort, j'embrasse copieusement ses joues fraiches.
Demain, je serai à Nantes au centre anti cancer. Super Mario expliquera peut-être ces douleurs au ventre depuis deux jours, par les images fixées au scanner la semaine dernière. Métastases à l'assaut du foie ? ou d'autre chose ?... ou pas. C'est ainsi à chaque fois que surgit la douleur inhabituelle. Elle attise les oiseaux de mauvais augures. Les vautours reviennent. Ils volent en cercles incessants au dessus de ma tête. Les pensées sombres s'immiscent, se glissent à l'intérieur et envahissent. Il est 5 heures. Je ne dors pas.
J'ai bien mal au ventre. Je l'ai mis sur le compte d'une langoustine moins bien digérée que les autres aux débuts des boyaux tordus. Mais depuis le temps qu'ils se tordent les boyaux, la langoustine est disculpée. Il faut chercher le coupable ailleurs. Fieffé con de cancer, foutues cellules dégénérées, abominations contre nature, ramassis de parasites, JE VOUS HAIS !
JE VOUDRAIS VOUS VOIR CREVER !
JE CRACHERAIS SUR VOS CADAVRES !
Plus tôt aujourd'hui, c'est moi qui me suis vue morte. Mes 3 hommes jouaient au ballon. Isséo courrait tout autour. Je m'étais assise sur la petite butte, au bord du terrain. A l'écart sur mon carré de pelouse, je regardais la scène se dérouler devant moi. Et ça m'est tombé dessus. Les larmes sont venues. Ce n'était pas le soleil que j'avais dans les yeux. C'était eux, ensemble, devant moi, sans moi... Après moi. J'espérais que ce soit comme ça. Qu'ils partagent une vie joyeuse, insouciante et complice. Qu'ils courent après des ballons encore. Qu'ils se taquinent. Qu'ils rient comme cet après midi. Je leur demandais de me pardonner de les avoir laissé en route. Pardonnez-moi mes amours. Je n'ai pas voulu ce qui nous arrive. Cette saloperie. Cette injustice. Je m'y résigne parfois. Cet après midi, je ne m'y résouds pas.
Pourtant je ne peux rien changer à ce qui nous attend. Et la vie d'ici là n'est plus "comme avant". Alors je suis immensément désolée et dépitée. Vous comprenez mes amours?
STUPIDES REPRODUCTRICES !
Nous avons repris notre promenade et j'ai repris la main de mon homme aimé. Il a vu que je contenais comme je pouvais une bonne charge d'émotions : "Tu as pleuré ?... Pourquoi tu as pleuré ?" Je n'ai pas été capable de lui expliquer. Maintenant que j'ai tout fait sortir mon Homme aimé, maintenant que tu me lis, tu sais.