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Les crabes dansent au Croisic

Je ne guérirai pas, mais je vis gaillardement (la plupart du temps) : FAUT PAS GÂCHER !

Bien dit Saint-Exupéry.

Si tu veux comprendre le mot bonheur, il faut l'entendre comme récompense et non comme but.

Antoine de Saint-Exupéry

J'ai mis un poil de temps pour le comprendre ça.
Mais il a raison le grand aviateur !

Tiens, c'est lui :

Bien dit Saint-Exupéry.

Il a le port de cravate un peu court et le pantalon est remonté bien haut. M'enfin, il vise juste Antoine : le bonheur, il te tombe dessus, paf ! Cadeau. Parce que tu te décarcasses pour te le décrocher.

Tu restes pas assis comme ça, posé comme un gland au pied des grands chênes, à te dire "Je veux être heureux comme eux". Non, non. A la place, tu te dis : Bon, ça suffit maintenant de rêver au grand bonheur, que comme je sais pas bien après quoi je cours, je l'attrape jamais.

Tu z'y colles des images, sur le bonheur. Petit à petit. Des images sur les joyeusetés. Et des images sur ce qui te grignote la vie : ce que tu ne veux plus clarifie aussi ce que tu veux.

Avec les années, il se précise, le tableau de ce qui te rendrait heureux. Un jour, il s'impose. Il devient carrément évident, urgent de te le fabriquer. Vital même. La vie sans lui, la vie à côté de lui, n'est plus supportable. Même avec les "compensations du bonheur que t'as pas", les sous, le confort, la jolie voiture, les jolis vêtements, les jolies vacances, les voyages, les week-ends, les... Tout ça est devenu insuffisant. Si insignifiant, que le perdre pour ton bonheur n'est plus un sacrifice.

Mais attôtion, je dis pas pour autant que c'est simple hein ? Faut même un sacré coup de rein pour le faire tomber, le bonheur qu'on se veut, une fois qu'on se l'est bien précisé !

Mon bonheur à moi, c'était l'océan.

Bien dit Saint-Exupéry.

Forcément, vu comme ça, ça fait envie.

En 1992, Laurent Voulzy a écrit sa chanson. Le rêve du pêcheur. Il n'y a jamais eu de mots plus proches de mes aspirations que les siens dans cette mélodie légère :


"Je rêve d'eau, mais d'océan, aaah l'océan, vivre la vie autrement..."

Je te la mets là, la chanson de ma vie de Voulzy.
Tu peux l'écouter en me lisant si tu veux.

Je voulais que ma chouette petite famille vive dans une chouette petite maison avec un chouette petit bateau au bord de l'eau.

Après dix années vécues, j'ai failli écrire "perdues", mais ça n'aurait pas été vrai : elles ont servi ces dix années vécues enfermées dans les appartements parisiens et les métiers qui payent bien. Elles ont fasconné l'ENVIE majuscule ! Je reprends donc : après dix années de cette vie trépidante et trop pleine de pas grand chose au fond, je rencontre mon Homme autour de la même ENVIE de l'eau de l'océan. C'était fin 2000.

Vu qu'on a mis les voiles et quitté la capitale en juillet 2012, tu vois que c'est pas tout d'suite-tout d'suite qu'on l'a rejoint notre Atlantique. C'est pour redire que c'est pas du tout cuit, le bonheur. Mon Homme avait des enfants d'un premier mariage. Et des pas grands en plus. Voire franchement petit pour la dernière née de la fratrie. On se disait qu'il fallait attendre qu'elle ait dix-huit ans, l'âge des études qui lui ferait quitter naturellement le nid, sans brusquerie.

En 2009, l'ENVIE ressurgit tout de même. Boum. La pitchounette est loin d'avoir dix-huit ans. Mais je suis très près de la catastrophe à quarante : cancer du sein. Le deuxième cancer. Alarme ! Mon Homme et moi, on se dit qu'il faut sans doute pas trop jouer avec l'ENVIE : on pourrait bien ne pas avoir le temps de se la concrétiser finalement... Cette année là, en vacances à Borme les Mimosas (vacances interrompues par un aller-retour à Villejuif pour les derniers examens avant les traitements), on se décide. C'est décidé oui : l'ENVIE, on s'y colle sérieusement maintenant. On est en juillet.

À la rentrée, mon Homme réfléchit au métier qui lui permettra de travailler à distance de la mégapole. Je me soigne. Il réfléchit. Janvier 2010, je me fais amputer le néné. Il réfléchit. Je me soigne. Il quitte son entreprise. Je l'aide à créer sa nouvelle activité quand je ne me soigne pas. Je calcule que l'on peut vendre la maison de Massy et acheter sans emprunter au bord de l'océan. Ben oui, les banques refusent de me prêter de l'argent depuis 1996, faut bien faire sans. J'ai la chance de pouvoir faire sans. Décembre 2011, je trouve notre maison au bord de l'océan ! Mon Homme se démène pour sa petite entreprise. Février 2012, je remarque que je suis esoufflée. Mon coeur s'emballe aussi. Les examens restent normaux. Je rencontre un acquéreur amical conquis par la maison de Massy. 

Juillet 2012, le 12, nous ouvrons les cartons dans la nouvelle maison de l'océan... Et j'apprends la récidive. Au milieu des cartons, plein de cartons, plein de métastases dans les poumons. Et dans le foie. Et les os aussi. Je me vois morte dans les six mois. La petite entreprise de mon Homme elle, meurt à ce moment là, flinguée par l'incompétence d'un partenaire. Sale période. Je me soigne. Mon homme se blesse grièvement. Foutus travaux. Après les chirurgies, son bras droit reste inerte. Très, très sale période. Je me soigne. Mon Homme s'interroge. Février 2013, couic les ovaires. Mars, hop la main de mon Homme se redresse ! Et notre moral aussi.

Le printemps vient. Les projets reviennent. Mon Homme sera marin finalement ! Juillet, il reprend des études. À Nantes. À Nantes, je me soigne. Je vais arrêter de dire que je me soigne : depuis la récidive métastatique, tu as compris, je serai malade pour toujours. Je me soigne donc ad vitam pas eternam, pour le meilleur et pour le pire. Et je jure de me soigner jusqu'à ce que la mort me sépare de mon traitement. Mon Homme apprend le métier. Il le pratique aussi. Sur un chalutier. Un ligneur. Un fileyeur. Un caseyeur. Je ne le vois pas souvent. Avec les petits hommes plein de vie et la vie sans mon Homme, je suis vidée... Et l'hiver s'installe. Mais pas les doutes. Nous sommes sûrs de nos choix. Nous sommes à notre place. Nous le savons. Et paf ! Le bonheur nous tombe dessus.

Bien dit Saint-Exupéry.

C'est pour ça que je sais qu'il a raison Antoine. Tout s'est passé pour nous comme il a dit, pile poil. Le bonheur, dans toutes nos (més)aventures, c'était pas le but. Le but, c'était l'océan, notre famille devant l'ocean dans la maison, notre famille sur l'océan dans le bateau. On en a bavé sévère pour y arriver. Mais on y est arrivé ! Et le bonheur nous est tombé dessus. Cadeau !

Parfois quand même, il s'en va le bonheur - je complète parce qu'Antoine, il a pas tout dit. "Le bonheur, il faut l'entendre comme récompense et non comme but... Il faut aussi l'entendre comme pas acquis, une fois qu'on a eu le bol de se le voir décerner". Il peut se faire la malle très vite le bonheur, si on fait pas gaffe. Des fois, on n'est pas bien vigilant avec mon Homme. On retombe dans les pièges d'avant. On se remet à vivre trop vite. On vit sans voir. Si, je te jure que même ici avec l'Atlantique sous la fenêtre, le gâchis de vie peut s'installer. Le bonheur, c'est une récompense fragile. Voilà. Comme ça, c'est complété. Je vais aller faire une partie de Blokus avec les petits hommes maintenant. Tu connais Blokus ? Un jeu tout bête qui paie pas de mine comme ça. Mais bien sympathique. Avec les petits hommes.

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