Après une semaine, un peu plus, il est temps de partager 'mon grain de sel' au sujet de ces Maternelles avec mon Homme-aimé. Pas bien gros, le grain, mais de quoi partager tout de même !
Voici donc :
Mon homme-aimé déclare au départ : "on vit une aventure formidable".
Dis-donc, elle serait pas un peu... trapue, cette affirmation ? J'avoue que pour un démarrage, il entame vertement l'échange mon Homme-aimé. Paf, le pavé sur le plateau ! Je suis pas bien loin de penser que non décidément, il est trop gros pour être vrai le bobard : le cancer, une aventure formidable ?... En studio, à Boulogne, je sens bien qu'il les a laissés pantois pareil, le débordement d'enthousiasme. Comme on cause pas mal avec mon Homme-aimé, tu penses bien que c'est la première explication de texte que je lui ai demandée au retour. Eh ben c'est pas le cancer qui est formidable ami lecteur. J'le savais bien quand même. Non, c'est ce qu'il a déclenché. Le grand coup de pied au derrière. La correction pour les yeux aussi, pour voir mieux, devant, ce qui est important. La décision d'accomplir enfin ce que l'on a reporté trop longtemps. Le départ. Le passage de la vie vide à la vie vraie. Du désespoir de la mort certaine, au bonheur de la vie certainement bien vécue. Et l'espérance que cela dure. L'aventure !
Quand le cancer est arrivé, en 2009, mon Homme-aimé et moi, on se chahutait. Lui dit que "notre relation souffrait d'être polluée par des éléments qui n'avaient rien à voir avec nous... Des éléments pas bien gérés, pas bien clairs de ma vie d'avant... On s'adorait pourtant".
C'est peu dire qu'on s'aime. Faut voir ce qu'on a défriché pour être ensemble... et récolté pour le rester. 6 ans d'efforts. 6 ans d'usure. Mon homme aimé n'a pas tout dit. Je ne dirai pas tout non plus. Il y a des limites au partage. La limite du respect de ceux que cela concerne. La limite des conséquences futures du remuage de caca passé. Ce qui peut-être dit sans faire de vagues, ni aucun doute, c'est que le cancer a trouvé chez moi le terrain bien facile : en 2009, j'étais tout bonnement épuisée par les travaux d'Hercule en famille.
Ensuite, le cancer ne nous a pas miraculeusement re-lié mon Amour et moi, comme ça, pouf. Nous étions déjà comme 2 clipos imbriqués ! Si nos clipos n'avaient pas été solidement soudés aux débuts de nos amours, je peux te dire qu'avec ce qu'ils ont pris dans la cafetière, avant même le cancer, avec les fameux travaux d'Hercule en famille, ils auraient pu s'éparpiller façon puzzle comme dit l'autre. Le cancer n'a donc rien reconstruit chez nous : rien n'était détruit ! Il nous a simplement pris par les épaules et il nous a sévèrement secoué. Réveil brutal, ouverture des quinquets dans la lumière et on répond aux questions maintenant ! Mon homme-aimé a réalisé 2 ou 3 bricoles. Je me suis sentie comprise et soutenue. Soulagement. J'ai moi aussi réalisé 2 ou 3 bricoles. Mon Homme-aimé s'est senti compris et soutenu. Soulagement. Dès lors, on a pu avancer ensemble. Hop, hop, hop, en bloc les clipos face au cancer !
Assise à côté de mon Homme-aimé, la dame qui pose les questions, très attachante d'ailleurs, lâche finalement quelque chose comme "ça marche, le côté 'je me bats pour rester positif pour deux' ?". STOOOOOOOOOOOP ! HOLÀ ! Oh la malheureuse...
Pour commencer, on ne se bat pas pour rester positif. Je ne crois pas une seconde à la décision murie qui consisterait à se dire après en avoir bavé des ronds de chapeau : bon, dorénavant, je vais rester po-si-tif. On l'est parce qu'on a l'a au départ, cette faculté à l'être. Tu me suis ami lecteur ? C'est instinctif. C'est animal. C'est comme ça et pis ça s'explique pas et pis c'est tout... Pas tout à fait tout en fait, il y a autre chose : être positif pour deux, c'est foireux. Fais le test : promène ton sourire volontaire au contact d'un malade enfoncé profond dans la mine, vas-y, promène... Je te fiche mon billet que c'est lui qui va t'entrainer dans son puits.
Je dis ça, c'est pas pour diminuer l'impact de l'attitude de mon Homme-aimé. Oh non. Heureusement qu'il est rempli d'espérance. Je dis juste que si de l'autre côté de la balance, je mets pas le paquet pareil, ben on se creuse le trou à deux.
Je plastronne pas non plus hein ? Je suis née guillerette, mais va pas t'imaginer que je swingue tous les jours sous les boules à facettes. Des fois, c'est Blue Velvet et Velvet Underground. Super blue. Et super underground. Comme quand je comprends que je n'échapperai pas à l'amputation de mes jolis seins de jeune femme. Hiver 2009. Je me souviens d'une colère noire. Rentrée au départ. Elle a fini par jaillir tout autour. Des gerbes de méchanceté sur ceux que j'aimais le plus, sans que je puisse retenir. J'étais engloutie moi-même. J'ai fini par me voir les maltraiter. Je me suis détestée. Et je me suis délestée : j'ai très assidûment déposé mes boulets de bile aux pieds d'un psychiatre de Gustave Roussy, avalé quelques-unes de ces pillules qui rendent léger. Moyennant quoi je me suis retrouvée. Le deuxième épisode en sous-sol dont je ne me suis pas extraite sans la magie de la pillule qui rend léger, je le vis à l'été 2012. On me confirme la constellation des métastases dans les poumons. On m'apprend qu'on ne sait plus me guérir. On n'est pas certain de savoir me soigner non plus. À ce moment là, je creuse encore la grande galerie souterraine, tu penses. Je creuse ma tombe en réalité : pour moi, je suis morte sous peu. À la première salve de chimio, je pleure en silence sur le lit du centre à Nantes et je me dis "à quoi bon ?". L'impassibilité apparente de mon Homme-aimé finit par m'escagasser un soir. Je le bouscule cette fois encore. Je lui lance mais bon sang, tu as conscience que je peux mourir dans 6 mois ou pas ? Oui, il en a pleinement conscience. Mais il garde l'espoir. Il est comme ça mon Homme-aimé : dimensionné pour le malheur comme il dit, parce qu'il est tombé dedans quand il était petit. Et porté par l'espoir. Alors ça fait peut-être pas tout, mais c'est sacrément précieux !