6 Octobre 2016
Hep, hep, hep !
Toi là bas, qui pars en courant, reviens ici !
Oui, on va causer des soins palliatifs.
Maintenant, si ça te fait trop mal aux mottes, je te force pas hein. Saute la page et vas en lire d'autres. Tiens, celle-là, elle est poilante. C'est la mammographie de Michèle Bernier comme si tu y étais. Sinon, je te mets ça, sur le même sujet. Moins désopilant. Quoique, l'illustration peut te décoincer au moins le sourire. Tu vas te bidonner avec la mammographie. Et nous ici, on va se bidouiller un petit sujet sur les soins palliatifs PARCE QU'IL FAUT EN PARLER !
TOI QUI NOUS SOIGNES, c'est à toi que je m'adresse maintenant, FAUT QUE TU SACHES UN TRUC TOUT BÊTA : EN GARDANT LE SECRET JUSQU'AU BOUT, TU NOUS FILES LES PÉTOCHES !
C'est pas compliqué à comprendre.
Regarde.
Je te le fais "à la rationnelle". Rigole pas, j'ai eu mon BAC scientifique avec 4 en maths et 4 en physique... Coeff 4... 48 points de retard. T'imagines comment j'ai dû assurer le reste pour décrocher l'affaire sans aller au rattrapage et intégrer ma grande école :D :D. Mais je reviens à mes moutons matheux et je pose donc l'addition suivante :
gros mystère
+ révélation juste avant le cimetière
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résultat pourri !
Ben oui, réfléchis, toi qui soignes. Tu as les années d'études et le QI bien loti a priori. Ce qui suit est à la portée du premier demeuré (que tu n'es pas, tu vas donc y arriver) : si tu attends que ton patient soit à la fin de la fin pour lui dévoiler les soins palliatifs, ton patient, il est pas prêt de se dire autre chose que
"les soins palliatifs, c'est la mort"
"les soins palliatifs, c'est la merde"
Alors que regarde, imagine plutôt un centre anti cancer où les choses se passeraient un peu comme ça :
Ton patient est malade. Gravement. Sans lui plomber le moral, tu lui dis la vérité dès le début :
" Vous avez un cancer du sein. Ça craint. Mais pas c'est pas désespéré : on va tout faire pour vous en débarrasser"
Et tu notes qu'au début, tu ne lui dis surtout pas "on va vous guérir" pour lui faire plaisir et sans doute un peu aussi, pour te rassurer toi même, avoue. Dès lors, ton malade entend qu'on va s'arracher pour le soigner... Mais aussi qu'il peut ne pas guérir. En cas de récidive, ça change tout, crois moi.
Bon, pas d'pot, il récidive. Tu as en face de toi, un malade-mature, un gaillard ou une pépée qui a bien baroudé. Tu peux, tu dois donc lui dire les choses telles qu'elles se présentent. Lui cacher ce que tu sais, reviendrait un jour à perdre sa confiance ; car crois-moi, ce que tu ne lui dis pas, il va le trouver. Comme tu le mets au parfum de tout ce qui peut le soulager dans sa nouvelle vie avec le cancer, tu n'omets pas de l'orienter, aussi, vers le médecin des "traitements d'accompagnement", dans le service des soins de support.
Oui, dans mon centre anti-cancer imaginaire, on ne parle plus de soins palliatifs, mais de traitements d'accompagnement. Tu peux brainstormer avec tes copains pour trouver plus sexy, plus explicite si tu veux. Mais en tous cas, 3 choses :
1- les soins palliatifs rejoignent le statut, la normalité des soins de support. Ils ne sont plus isolés, cachés dans la boite de Pandore et sortis au dernier moment pour LA grande occasion de ta mort toute proche parce que c'est fini pour toi et vas-y que je t'enfonce bien la tête dans la tombe OK ?!
2- les soins palliatifs ne sont plus des soins, des placébos, de la poudre de Perlimpinpin jetée sur le malade pour l'endormir jusqu'au grand jour de la grande nuit éternelle. Ils sont un traitement. Au même titre que les traitements anti-douleur. Et ça, tu peux me croire aussi, ça change tout à la perception du bazar.
3- si ce n'est pas toi, l'oncologue, qui expliques les traitements d'accompagnement au départ, tu dois néanmoins garder le lien constant avec ton patient. C'est toi qui te colle aux consultations de suivi. Ben oui, mets toi 2 secondes à notre place :
T'apprécierais d'être exclu de la route de ceux qu'on soigne encore ? Si ça t'arrivait, tu te dirais pas un truc du genre "ça y est, on me pousse vers la sortie, je suis sur la voie de garage et glissante la voie de garage, inclinée jusqu'au trou béant qui m'attend !"
On a besoin au contraire de sentir qu'on n'est pas oublié, qu'on est encore dans le circuit et prêt à reprendre la pôle position ; prêt pour un essai clinique, ou je ne sais quel nouveau traitement arrivant sur le marché. Et pour ça, faut que toi l'onco, tu restes avec nous jusqu'au bout !
Voilà, à la grosse louche, ce que je ferais si j'étais à ta place.
Alors j'ai bien conscience que je connais pas le fond du sujet. Les soins palliatifs, personne ne me les a expliqués. Forcé. Rapport à l'addition et à son résultat pourri de tout à l'heure, je te rappelle. Mais la forme, c'est mon rayon tu vois ! C'est la façon dont je ressens les soins palliatifs. En prime, il se trouve que l'image, la communication, c'était mon métier. Et sur la forme, puisque je ne te parle que de ça, sur la perception des soins palliatifs... y'a du boulot !
Ce qu'il y a de bien, c'est que (nouvelle preuve de ton intelligence). A tu participes à une rencontre, avec des soignants et des chercheurs, des qui sont bien lotis du QI aussi. Ensemble, vous réfléchissez aux approches palliatives en oncolologie.
Le Cancéropôle Ile de France, qui organise la grande assemblée des bien lotis du QI, m'a demandé de témoigner. Je ne pouvais pas y aller. J'ai proposé un film. Le Cancéropôle a dit oui. Il m'a posé 4 questions.
Quelle malade je suis ?
Quelle femme je suis ?
Est-ce que j'ai recours aux soins de support ?
Qu'est-ce que je pense des soins palliatifs ?
J'y réponds ici. Du mieux que je peux. En tous cas, c'est sincère.
Mon amie Laure - Mon réseau cancer du sein y est ce matin. Elle m'écrit :
interview applaudi et soignants très touchés
ils travaillent
je trouve essentiels ces échanges
Moi aussi Laure.
C'est pour ça que j'y participe lorsque j'y suis invitée. À chaque fois, de toute, toute petites graines semées pour que la vie des patientes soient améliorées.