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Les crabes dansent au Croisic

Je ne guérirai pas, mais je vis gaillardement (la plupart du temps) : FAUT PAS GÂCHER !

"Satisfecit non satisfaisant", ou encore "Bas les masques"

17 mai, scanner "normal".
Je te le mets entre guillemets parce que littéralement, ce qui est écrit sur le compte rendu du "TDM thoraco-abdomino-pelvien" c'est : "Stabilité de l'atteinte osseuse. Par contre, majoration de taille des nodules pulmonaires, sans nouvelle lésion".

Vooooilà. Nous lisons bien "atteinte osseuse" et "nodules pulmonaires". Nous ne lisons pas "examen normal".  Bien sûr, la situation est stabilisée. Mais la situation stabilisée est tout à fait anormale et tout à fait merdique par dessus le marché. Ça, c'est pour tempérer les envolées enthousiastes qui suivent chaque résultat depuis la rémission d'il y a 3 ans. Je t'en mets un échantillon pour que tu jauges bien les envolées :

"Excellente nouvelle !

Je savais que ça irait !

Trop forte !

Bravo !

Tu assures !

Je bois à ta santé ce soir !

Catherine 1 - Cancer 0 !..."

Pour que tu ne méjuges pas mon intention ici, je précise aussi sec : je ne crache pas sur le réconfort reçu avant, ni après l'examen. Que nenni ! Je désépaissis simplement le trait, j'affine, j'expose pourquoi je n'explose pas de joie. Pourquoi je pleure même ; oui, je pleure figure toi. En consultation. Chaque fois. Malgré le carapatage des métastases en 2014 après 2 ans de matraquage - maousse, le matraquage. La semaine dernière, la jeune femme que je vois après le "TDM encéphalique", le scanner du cerveau en somme, la demoiselle disais-je donc, dit d'ailleurs à son dictaphone pour Super Mario - il est à Chicago pour la colossale rencontre des oncologues de la planète :

"La patiente présente un état dépressif, sans idées suicidaires"
(Faut pas pousser non plus. Je pleure, certes. Mais je pleure le menton haut, pour mes hommes, petits et grand).

Alors oui je pleure ! Oh pas chez moi bien sûr. Pas à la vue de ceux que j'aime, de ceux qui comptent pour moi et qui comptent sur moi. Je ne pleure qu'avec les docteurs.  C'est la règle. Et pas beaucoup encore : quand je sens l'émotion germer, qu'elle grossit et qu'elle pousse, je cadenasse les mâchoires, je verrouille les vannes bien vite. Les digues laissent passer les premières larmes, mais elles retiennent bon tout le reste. Je pleure parce que je ne suis pas débarrassée moi, figure toi. Je pleure parce que je suis malade... Depuis des piges que ça dure... Et que ça n'est pas fini cette plaisanterie...  Et que ça ne finira jamais. Je pleure parce que ça finira forcément trop tôt. Je pleure parce que Super Mario ne m'a pas répondue dans son dernier message, au sujet de cette patiente qui me devance, dans la même maladie, avec le même traitement et qui tient bon et qui me fait tenir bon du coup. Je ne sais pas si elle est encore là. Je sais que je suis fatiguée. Fatiguée de me lever fatiguée, et parce que je me botte les mottes encore, pour braver la fatigue qui cloue au matelas. Je suis fatiguée de la fournaise qui réveille à 2 heures du matin, des sirènes dans les oreilles qui fusillent le sommeil, des chevilles cimentées la nuit, des jambes empesées le matin, du coeur qui s'emballe dans la journée, comme ça, sans raison et du souffle court qui prend le relais.  Fatiguée de cette foutue sensation d'incendie dans la carcasse quand je suis debout trop longtemps, pas bien longtemps pourtant. Fatiguée de ces fringants crétins, devant moi à la caisse réservée du supermarché. Fatiguée que ma fatigue ne se voie pas. Fatiguée de devoir dire que je suis fatiguée, d'avoir à rappeler que je suis malade, malgré les apparences, que j'ai mal. Mal au corps, mal au coeur, mal au coeur de mon corps esquinté. Mal de le comparer aux corps épargnés à la piscine le vendredi. J'ai envie crier "Éh, du costaud qui pavane... Sans la chaine lymphatique dans le bras... Et sans le grand dorsal... Et sans les poumons clairs... Tu nagerais aussi bien que moi, dis ?!" Je crie dans l'eau. Je nage mon kilomètre et demi dans la rage. Et j'ai mal aux coudes mal-articulés. Mais je nage encore, jusqu'à la fin, les 60 longueurs. J'ai mal d'être devenue épaisse et molle et moche malgré la vie saine. Marre de la ménopause imposée bien avant l'heure. Elle a fauché ma jeunesse et flingué mon avenir. J'ai mal, de plus en plus, des regards trop appuyés pour être anodins. Tant de bizarreries à reluquer pas vrai ? Cette poitrine bancale, trop inflatée d'un côté, débaudruchée de l'autre. La protubérance de la pastille ronde du PAC glissé sous la clavicule. Et cette... horrible, longue balafre, creusée en Z dans la cuisse gauche. Samedi dernier sur la plage d'Hoëdic, le petit homme m'a demandé si on pourrait la remplir. Non, petit homme, ce serait difficile. Et puis je n'en ai plus envie. Plus envie qu'on me rafistole. Je suis fatiguée de ces opérations qui nourrissent les espoirs et n'arrangent rien finalement, quand elle n'aggravent pas les choses. Fatiguée qu'on laisse croire que la médecine et ses progrès règlent tout. Fatiguée de supporter les profiteurs du cancer, la presse emporte-pièce,  le Joyeux mercantile, la clique des racoleurs et des cupides ! Ils crétinisent les crédules. Ils culpabilisent les malades. Certaines malades elles mêmes m'horripilent. Combat, "K- fighter", Kun Fu, Nunchaku et tout le patacaisse guerrier de rigueur, cancer vaincu, victoire étalée, waaa trop fortes. Trop de sourires pour être sincères. Trop de rose. Trop de noir à l'inverse chez d'autres. Alors qu'il faudrait simplement être juste. Moi, je te le dis franco, c'est parfois la franche patate et la franche pas du tout dans mon assiette AUSSI. Ces jours là, je ne suis qu'une crotte malade, molle du coco et moche du corps. L'ensemble de cette vérité sombre me sautant généralement à la figure, quand un détail de rien rallume ce que j'étais, éclairant ce faisant, la vie rabougrie d'aujourd'hui et de dorénavant.

Tout récemment, tu veux savoir ce qui m'a fait dégringoler de mon nuage ? Ce fameux colloque des oncologues de la planète figure toi ! Moi, clouée à l'ICO. Super Mario, envolé à l'ASCO. Brutalement, je me suis rappelée le temps où je m'envolais moi aussi pour Chicago. Les conventions. Les séminaires. La scène. Les présentations. Je faisais ça, moi aussi. Je savais répondre alors à la question "que faites-vous dans la vie?". J'étais quelqu'un pour les autres. J'avais une place dans la société. Était-ce la mienne ? M'y sentais-je bien ? Ça, c'est une autre paire de manches. D'ailleurs, je t'en ai parlé déjà ! Mais, c'était une place claire et nette et valorisante pour passer au décodeur de mes congénères.

Voilà. J'ai craché ma Valda... Ce que je t'ai écrit ce soir fait mentir le pitch de ce blog guilleret sur un sujet pas gai. Ce soir, je t'ai écrit un truc pas gai, sur un sujet pas gai. Et je le revendique. Fort et clair même. Fuck le rose. Ce soir je déballe ma colère. Tiens, c'est cadeau. Il est des vilénies que l'on ne peut accepter. L'acceptation ne vaut pas pour tout et cela, je l'accepte totalement.

"Satisfecit non satisfaisant", ou encore "Bas les masques"
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