23 Mars 2019
Bonjour Emmanuel,
Le matin de ton élection, tu te souviens, je t'ai écrit déjà. Je t'ai parlé de quelques-uns de ces empêchements que l'on a aujourd'hui encore, en France, quand on est malade d'un cancer du sein qui a métastasé (Ou pas. Mais quand il a métastasé, tu peux me croire, c'est de la cotonnade de belle facture). Ton équipe locale du 44 a bien pris contact avec moi juste après. La député LaREM de ma circonscription avait même dans l'idée de me rencontrer. Bon, elle doit être bien occupée. Et moi depuis, j'ai re-récidivé. Au fin fond des oubliettes, la rencontre.
Mais je suis aussi tenace que les métastases accrochées à mes tripailles Emmanuel ! Je t'écrirai tant qu'il y aura à matière à écrire. T'es pas tout près d'avoir la paix :).
Je débute donc l'épître du jour (toi qui aimes la littérature, t'as vu si je m'applique pour le choix des jolis mots ? :). Il y est question d'aberrations ébouriffantes, de pratiques qui grippent la formidable machine des soins que je voudrais bien voir préservée (et je ne suis pas la seule).
Je sors escagassée de mon rendez-vous mensuel chez le kiné, lui même bien escagassé aussi : L'ARS lui demande de se déclarer comme professionnel de santé pouvant organiser des séances d'activité sportive à ses patients. Et pourquoi donc Emmanuel ?...
Parce que depuis le 1er mars 2017, tu le sais, le sport peut être prescrit sur ordonnance aux personnes souffrant d'une Affection de Longue Durée. La question de son remboursement reste confuse : la sécu est exsangue, on parle donc des collectivités locales, de fonds privés, des mutuelles (la MAIF rembourse jusqu'à 500 euros par personne dans les 2 ans qui suivent la reconnaissance de l'ALD). Le directeur et cofondateur de la CAMI Sport et Cancer, cette chouette association qui propose des activités physiques aux malades dans leurs parcours de soins, Jean-Marc Descotes il s'appelle, il regrette que le décret de loi voté le 31 décembre 2016 ne soit pas au niveau, je le cite, de "la belle idée" de départ : "l'ambition du projet était que le sport soit reconnu comme une thérapeutique à part entière et que soient donc précisées les conditions de son organisation et de son remboursement. Dans les villes bien structurées pour le sport et la santé, les communes rembourseront peut-être les programmes à hauteur de 20, 30, peut-être 70%. Ailleurs, les frais resteront à la charge du malade." Eh bien je vais te dire 2 choses Emmanuel :
1- Je suis bien heureuse moi, que la sécurité sociale n'écope pas du remboursement de ce nouveau bâton merdeux, au nom de la prévention des maladies qui lui coûtent cher !
Mais 2-, je fulmine de savoir que mes impôts locaux financeront peut-être un jour l'inscription à la pétanque du piffre du coin pour soigner sa cirrhose !
Sérieusement, comment peut-on partir d'un constat aussi juste que le sport est indispensable à la santé et aboutir à la conclusion singulière qu'il faut le prescrire et le rembourser aux 10 à 11 millions de personnes en ALD ? Jusqu'où les institutions vont-elles supplanter le bon sens et la responsabilité du quidam ? 450 000 enfants obèses en France, j'entendais ça aux informations ce midi, on va rembourser demain, les fruits et légumes à leurs parents ?! Où est l'équité là dedans en plus Emmanuel : cette loi creuse un peu plus profond le fossé entre les malades des villes qui ne manquent de rien (ils y auront accès à des clubs de sport à pas cher) et les malades des villes où rien n'existe.
Et puis mince, toi qui sais le sens des symboles, quel signal le pays envoie t-il encore à ses citoyens ? Il subventionne celui qui n'a jamais bougé une fesse pendant qu'il ignore celui qui n'a pas attendu le décret pour se remuer le coeur et les artères ! Ici, ne te méprends pas Emmanuel, je suis pas en train de te demander de me récompenser pour la natation pratiquée depuis des décennies : on ne monnaye pas ce qui relève de la responsabilité de chacun ; on ne monnaye pas non plus ce qui ne coûte rien ou si peu. Je marche chaque matin (c'est gratuit), chaque fois que possible je prends mon vélo plutôt que la voiture (c'est gratuit), jusqu'à l'an passé, je nageais mon kilomètre et demi chaque vendredi (4,70 euros. Et la piscine de Guérande fait partie des pas données encore : à Paris, je payais mon entrée moins de 3 euros à la piscine municipale). Inabordable l'activité physique ? Foutaises Emmanuel ! Elle est à la portée de toutes les bourses, mais celle de l'État n'étant pas bien replète, j'apprécierais qu'il la consacre à des soins autrement plus indispensables aux malades et aux hôpitaux.
Nos centres anti-cancer, nos hôpitaux n'ont plus un radis en poche.
J'ai dû être hospitalisée fin 2017. Il me fallait savoir la nature de ce qui me grignotait le poumon pour mieux le soigner. Biopsie par mini sonde radiale. Un truc tarabusté, pratiqué par une poignée de pneumologues aguerris en France, au moyen d'une aiguille riquiqui-fine un peu centrale dans cette opération délicate, tu le comprends bien. Pourtant la dite aiguille riquiqui-fine, récemment mise à la disposition des chirurgiens, ne leur est pas remboursée. À eux de se la payer ! Pour équilibrer les comptes malgré tout, ils ont trouvé un truc limite, mais malin à la clinique. Au lieu de m'hospitaliser une journée, ils me gardaient 4 jours. Et hop, aiguille financée par les forfaits journaliers ! Bon, il se trouve que finalement, après analyse des images pré-opératoires, les métastases n'étaient pas atteignables dans mon poumon. Trop loin, trop basses. Intervention annulée. Cette fois-ci, je n'ai rien coûté à personne, ou pas trop.
Je vais t'en raconter une autre Emmanuel, une bien bonne, pour te faire toucher du doigt comme il marche sur la tête notre système se santé : faute de moyens toujours, bien des centres font appel à des ambulanciers remboursés par la Sécurité Sociale, plutôt que de recruter des brancardiers. Pour passer de ma chambre au service d'imageries de l'hôpital, je n'avais qu'à traverser la rue. Pour une question d'assurance pourtant, je me suis retrouvée assise à l'avant d'une ambulance. Pour traverser la rue ! 30 secondes de conduite ! Et pan pour la Sécurité Sociale.
Si on ne serrait pas le quiqui des hôpitaux, si on leur payait de quoi travailler comme il faut, ils ne seraient pas contraints à la truande. Vraiment Emmanuel, il est temps de faire un bon tri et de rembourser utile. On rembourse plein pot les patchs anti-tabac maintenant, ad libitum, sans aucune limite, 10 ans, si c'est le temps qu'il faut au gars pour cesser de se fabriquer son cancer. On rembourse le moindre Doliprane, bien des trucs dont on pourrait se passer ou se les payer. Et on ne rembourse pas l'aiguille d'une biopsie pulmonaire ?! Insensé.
Les centres anti-cancer tirent la langue : ils soignent, ils avancent les chimiothérapies, investissent dans le matériel, assurent les séances de rayons... Et ils engagent parfois des frais dont le montant des remboursements peut changer en cours de route. C'est arrivé l'an dernier pour les soins de radiothérapies : les centres enquillaient les séances de rayons depuis janvier en sachant qu'ils en seraient moins bien remboursés... tout en ignorant de combien ; ce "détail" n'ayant été précisé par le Ministère de la Santé que des mois plus tard. Tu fais tes emplettes sans savoir ce que tu as dans le porte-monnaie toi Emmanuel ? Conviens que c'est délicat. On exige des hôpitaux et des centres de soins de gérer leur budget au plus serré, l'État a sans doute à serrer 2 ou 3 vis de son côté, pour que la machine administrative s'active.
Rien à voir avec les remboursements de la sécurité sociale, mais en parlant de lenteur, il est un autre domaine dans lequel la France se distingue. Tu sais que les Allemands nous mettent la pilée dans les délais de mise sur marché des traitements ? Tu le sais ? Et c'est pas une petite déculottée pour les Français : 18 mois, il leur faut en France, en moyenne, entre l'accord de la commission européenne et la commercialisation des médicaments anti-cancer. En Allemagne, 3 semaines. Je veux bien qu'on soit précautionneux mais là... Une telle mollesse quand ta vie à toi se joue à quelques mois, quelques semaines, c'est insupportable ! Alors tu leur bottes les mottes, aux abouliques des administrations françaises de santé. Tu les fais redescendre sur terre les paresseux et sur la chaise de leur bureau de préférence. Allez hop ! Au boulot ! Et au galop !
C'est pas une idée nouvelle et c'est une idée détestée. Mais t'as pas froid aux yeux Emmanuel, tu peux y arriver.
Il n'y a pas si longtemps, j'ai vu ça au CHU de Nantes :
Je te cache pas que j'ai tempêté au départ : Mais elle est pas fada celle-là, la perf dans le bras et la clope dans le bec ?! Pourquoi on se casse le train à la soigner franchement ?! Au départ, ma solution était aussi radicale qu'irréaliste : Couic, plus de soins et puis c'est tout ! Bon. Je sais bien que déontologiquement... Mais ne pourrait-on pas au moins en consultation, dire un truc comme Madame, nous allons mettre toute notre énergie à vous soigner, le système de protection français va lâcher quelques dizaines de milliers d'euros pour vous dans les 12 mois à venir, cela suppose que vous y mettiez aussi du vôtre. Bref, on passe un contrat dans lequel on demande aux patients inconscients d'arrêter les conneries quoi !
Pour finir Emmanuel, je sais bien que tu mets le paquet pour redresser l'économie française, baisser les charges des entreprises et tout ça... Mais il y a des groupes pourris par le fric jusqu'à la trogne ; Sans vergogne, depuis des piges et des piges, ils nous empoisonnent. Ceux là Emmanuel, mince, taxe-les à donf ! Et taxe leurs produits putrides aussi ! Quand tu vois que Ferrero est capable d'une promo sur son pot de mélasse choco-grasse en le vendant 1,50 euros au lieu de 5, c'est qu'il y a de la marge pour augmenter la TVA du Nutella ! Qu'ils les paient eux, les besoins de la sécu ! Qu'ils paient pour tous les diabètes et les cancers qu'ils ont déclenchés et entretenus !
Voilà Emmanuel. T'as du pain sur la planche et pour être franche, j'aimerais pas être à ta place. Tu dois te coltiner autant que ce que les présidents d'avant ont procrastiné. Je te souhaite d'y arriver. Pour nous, les malades et pour tous les Français. Parce que si tu foires, en 2022... Je préfère ne pas y penser ! Note qu'en 2022, moi... Suis pas bien certaine d'être encore là pour voter.