21 Janvier 2020
On se bat. On gagne son combat contre le cancer. Ou on le perd. On perd la vie. On meurt des suites d'une longue maladie... Les mots ont un sens. Or le sens, la trace laissée par ces expressions là, je refuse de la laisser moi !
Quand je mourrai, car depuis l'annonce des métastases il ne fait aucun un pli que je mourrai de mon cancer, quand je mourrai donc, je n'aurai rien perdu : ce con de cancer du sein crèvera avec moi ! Dix ans qu'il scie la branche sur laquelle il s'est assit. Avec la branche, il se cassera la figure et avec moi il cassera sa pipe. Bien fait pour toi, crevure.
Je n'aurai pas perdu la bataille non : je ne me bats pas. C'est un principe. Scrupuleusement appliqué depuis petite. Je me carapate, j'abandonne l'énervé à sa morgue bête ou j'appelle les renforts pour lui faire sa fête.
Je n'aurai pas perdu la vie non plus : je ne perds jamais rien, je range tout ! Plus ordonnée que moi, tumeur ! Cette bonne blague... Sérieusement, on ne perd pas la vie. D'où ça sort ça encore ? On perd ses clés, son chien, le nord. On perd patience, confiance, sa dignité. On ne perd rien qui ne puisse être retrouvé. On ne retrouve jamais la vie.
On trouve la mort... Quand je mourrai, je n'aurai pas trouvé la mort ! Cela supposerait que je l'aurais cherchée. De là à dire que je ne l'aurai pas volée, bravo.
On se bat. On gagne son combat contre le cancer. Ou on le perd. On perd la vie. On meurt des suites d'une longue maladie... Les mots ont un sens. Le sens de ceux-là ne convient pas à ce qu'ils sont sensés dire. On se soigne, on en chie, on guérit ou on meurt, d'un cancer. Ça c'est explicite.
Quand je mourrai, je veux que l'on dise clairement que je suis morte d'un cancer du sein. J'y tiens.