26 Septembre 2013
Horatio Kane a été trucidé sur le tarmac de l'aéroport de Miami. Horreur !... Mon héros, zigouillé. Le corps désarticulé sur le bitume. La main recroquevillée près du visage. Le regard vide. Zoom arrière depuis son oeil gris-bleu, à travers le verre brisé de ses lunettes légendaires. Fondu enchainé sur le sac mortuaire. Caméra subjective. On est, je suis à la place d'Horatio. Le légiste zippe la fermeture éclair. A pu ! Terminada la vida !
Bon, il s'avère en fait que c'était un subterfuge du subtile détective pour coincer un terrifiant trafiquant d'armes. Le plus célèbre rouquin de la planète est bien vivant ! Calleigh Duquesne et Erik Delco se consolent... Et moi aussi !
Miami y est pour beaucoup. Je voyage à chaque épisode. Ambiance tropicale. Nonchalance imposée par le chaud soleil le jour. Agitation tranquille le soir. Brise marine, bruissement des palmes, caresse suave du souffle sur les épaules. Hôtel art déco immaculé. Terrasse sur la piscine graphique. Verre à cocktail givré, avec la couronne de sucre coloré et la paille qui tient toute seule dans le nectar épais (un Daïquiri banane). Musique dans le lointain, rires et conversations feutrés... Les experts sont mieux à Miami qu'à Manhattan !
Il y a Horatio aussi. Sexy comme une assiette de cervelle d'agneau aux câpres. Peu disert. Mais sacrément attachant. Mélancolie permanente. Le pauvre gars souffre dans la vie. Une vie de famille tarabustée, un métier de brute... Je compatis et comprends les épaules voutées, le visage abattu, systématiquement incliné, empesé par les horreurs emmagasinées. En même temps, il est costaud Horatio. C'est un survivant. On sent bien qu'il faut pas énerver le bonhomme. L'air de rien, avec sa tête penchée et son regard par en dessous, il vous sonne d'une phrase assassine qui vous dissuade de recommencer.
La mort esthétisante des Experts à Miami, la mort bien réelle des Enquêtes Impossibles... J'ai besoin de m'y frotter souvent pour relativiser la mienne.
Cette émission sur NT1 l'après midi. Des faits divers réels, des enquêtes criminelles, de la police scientifique, de la médecine légale... Des reconstitutions choc et les diatribes dramatisantes de Pierre Bellemare.
Meurtre sans cadavre, dernières volontés, Saint Valentin mortelle, randonnée diabolique, Noël macabre, momifié contre son gré, millionnaire battu à mort, malédiction familiale, le jardin de l'horreur... A chaque épisode, de la mort.
De la mort, de la mort, de la mort et de la mort, rien que de la mort ! Et pas de la belle mort hein ? De la mort barbare. A coups de hache, de tronçonneuse dans la cave pour désosser, de sacs plastique pour emballer les morceaux et les jeter aux quatre coins de la ville, de gants Mapa et de détergent pour tout nettoyer le sang qui a giclé sur les murs. Brrrr ! Ça te fait froid dans le dos... et un bien fou.
Avec ça, je me dis que la mort n'est pas exceptionnelle. Qu'elle fait partie du lot. Qu'elle arrive toujours trop tôt ; mais indiscutablement très tôt pour certains malchanceux et qu'elle peut être absolument abominable. En poussant le bouchon et là, t'as le droit de décrocher, je me dis aussi que si je suis épargnée par les grands malades du ciboulot sévissant sur cette terre, ma mort à moi sera somme toute, assez douce.
Et en attendant, ma vie est délicieuse.