14 Juin 2013
Bonjour Jérôme,
J'ai besoin de te parler encore :
Au delà des franches rigolades, des calembours et des blagues dont tu étais le maître, au delà des fêtes bien arrosées et des délires intensifs où tu excellais, au delà de tout ça mon Jérôme, tu étais surtout un gars LIBRE. Depuis toujours. Aussi loin que je remonte dans nos souvenirs communs, tu as toujours décidé et fait ce que tu as voulu. Depuis cette journée de collège séchée ensemble pour aller, en car jaune, passer la journée à la plage de Boucan, jusqu'à ton choix de vie à la Réunion, en passant par tes études sympathiques sous le soleil de Montpellier - alors que je trimais comme une bourrique en prépa pour intégrer ma grande école. Tu es libre. Pas de carcan chez toi, pas de pression sociale, rien à faire de ce que pensent les autres, tu traces ta route comme tu l'entends, tu profites en faisant fi des règles établies. Ce n'est pas toujours rassurant pour ton entourage : ce n'est pas la voie la plus facile. Mais tu es libre. Tu n 'existes pas, tu es de ceux qui vivent.
Je t'écris ça aussi pour Pacôme et Eva Nell. Pour qu'ils aient une image juste de leur Papa. Un esprit libre, c'est le plus bel héritage que tu laisses à tes petits mon Jérôme.
Je t'écris ça enfin, parce que j'ai fini par reprendre ma liberté moi aussi. Tant d'années embrigadée, encarcanisée... Inconsciente de ce que je perdais en suivant la voie royale, les grandes études, le gros job à Paris, le bon salaire, les bonus, les stocks et la belle voiture sur le parking, les soirées entre amis, tous pareils, tous semblables à moi, plus bien sûrs à trente ans d'avoir gagné au change, puis certains à quarante d'avoir cher payé leurs ambitions. La course permanente pour ne pas être en retard le matin, à l'école des petits, au travail, aux rendez-vous de la journée, chez la nounou le soir, les soirées devant l'ordinateur une fois les enfants couchés, les réveils aux aurores pour passer avant les bouchons de Vélizy sur la N118, les courses à Carrefour sur l'heure du déjeuner, avec un sandwich attrapé chez Paul et tous ces petits mouchoirs posés sur mes convictions pour faire ce qu'un chef shooté à la réussite attend de moi, pour décrocher mes promotions, un plus gros salaire, un plus gros bonus, toujours plus de stocks... Cette frénésie creuse m'était devenue insupportable. Les désillusions professionnelles et ma santé récalcitrante ont précipité la décision, mais surtout accéléré sa mise en oeuvre : j'ai repris ma liberté Jérôme. Mon Homme et moi rêvions d'une vie simple et saine au bord de l'océan. Nous y sommes ! Au Croisic, je suis à ma place. Au Croisic, j'espère aider mes deux petits hommes à vivre librement pour trouver la leur plus tôt que moi. Comme toi Jérôme.