18 Août 2013
ll y a 21 jours pile poil, nous mettions en évidence que l'habit ne faisait pas le moine. Un très malade du cancer peut avoir bonne mine. Un très malade du cancer peut avoir les vertèbres incendiées, le poignet droit endolori et infoutu de soutenir une assiette, les jambes vides et déborder d'énergie... Le temps de votre visite.
Voici une nouvelle série de photos de ma trombine plus ou moins évidemment décrépite ces 12 derniers mois. De quoi nous entrainer de nouveau à la réalité de ce cancer pernicieux et vicieux qui sait si bien cacher son jeu.
Sur toutes ces photos, je suis malade.
Pleinement malade même. Des métastases ras les poumons. Et ailleurs. Chaque matin aux débuts, la même routine : je tousse à me retourner la trachée inside out, comme dans la chanson de Diana Ross, je vomis jusqu'à la bile de ma bile au fond du lavabo. Dans la journée, je manque d'air, je suffoque. Je ne suis plus capable de tenir une conversation sans m'essouffler. Le soir, je dois renoncer à raconter l'histoire du soir aux petits hommes. C'est dur.
Et puis le traitement vient. Enfin. La médecine de synthèse soulage. Pendant 6 mois, la chimiothérapie hebdomadaire assassine les métastases. Consciencieusement. Jusqu'à la (presque) dernière. Elle flingue aussi les cellules saines. C'est le début d'une autre souffrance. Les pieds crevassent comme le Grand Canyon. Marcher fait mal. Respirer fait mal. Le nez est sec, encrouté de sang sec qu'on n'ose plus toucher, même si ça gène, pour pas que ça saigne encore, que ça sèche et que ça recroute. Déglutir fait mal aussi, jusqu'aux oreilles : le fond de la gorge est envahi par les aphtes malgré les bains de bouche. La peau trop sèche et trop fine et trop fragile cède au premier petit pète. Découverte des micro-coupures qui font MAXI-mal. Des picotements qui rendent fou, bataillon de fourmis sous la basane, des gencives abrasées, des cordes vocales fauchées, de la voix fusillée qui ne nous ressemble si pas du tout... Je ne me ressemble plus de partout de toutes façons. Je déteste le visage dégradé que je vois dans le miroir. Bouffi, chiffonné, plissé, asséché, sans cils, ni sourcils. Le cheveu court et clairsemé. La face de lune pâle, éteinte. Tant de laideur, tant de souffrances silencieuses et invisibles. Elles sont toutes là sur les photos.
Un an plus tard, me revoilà "comme avant". Mais rien n'est "comme avant". Dehors comme dedans, tout est abimé. .