27 Mai 2018
Je te préviens, c’est de la pépite de bon calibre !
Tu connais « la chaîne rose » et sa dernière campagne : l'appel à témoignages sous la bannière « mon KOmbat ».
La pépite du dimanche, c’est cette réaction sur facebook, au récit héroïque d’une de ces guerrières du cancer :
« Les témoignages, c'est bien quand on survit. Quand on meurt, il vaut mieux éviter d'être dans les témoignages, on peut choisir de se battre et être vaincu… »
Bah oui,
quand même,
quand t’es morte, évite de témoigner quoi...
Bon... De prime abord, c'est évidemment désopilant. Je me suis bigrement gaussée de l'incongruité patentée de la syntaxe. J'ai vu du bon sens, ensuite, dans le rappel que la combativité ne garantit pas la victoire. J'aurais même pu embrasser la dame, pour avoir dit cette vérité qu'on n'entend pas si souvent. Puis, j'ai vu la noirceur, la société qui se ferme aux malades privés de guérison. Cette petite dame que dit-elle au fond ? T'es guérie, alors c'est bon, t'as le droit de parler parce que tu rassures. T'es pas guérie, c'est que tu vas mourir, alors on veut pas t'entendre parce que tu nous files mes chocottes.
C'est cela qu'elle dit !
C'est en cela que ces campagnes nous font plus de mal que de bien, à nous, les qui guériront pas. Cette campagne, regarde-la :
D'abord, le registre guerrier m'escagasse ! Cette grandiloquence et puis ce mot, encore, "Le combat", avec ce K majusKule à la Kon, partout maintenant associé au Kancer pour en faire des Kaisses. KO, K-fighteuses, Kourageuses, ViKtorieuses, HéroiKes... Combattantes de pacotille oui ! Car la guérison ne tient qu’à une chose : le bol, la baraka... ou pas. La Kombativité à toutes les sauces pour ne faire qu'une bouchée du cancer, c'est de la connerie qui n'a jamais sauvé personne. Si ça convient à certaines pour mieux digérer tout ce qu'elles mangent au plus fort des traitements, parfait. Simplement, qu'elles la ramènent pas trop, par égard pour toutes les autres.
Plus important encore, si les médias étaient plus justes, s'ils valorisaient d'autres femmes, d'autres façons de faire face au cancer, ça aiderait grandement à faire progresser les mentalités. Moins de dramaturgie, moins de glorification des survivantes, ce serait plus de place laissée aux malchanceuses qui ne se déferont pas de la maladie. Aujourd'hui et depuis des lustres que ça dure, les métastasées n'existent pas ! On refuse d'en parler, entretenant ce faisant, l'idée bien ancrée que l'on guérit toujours de son cancer du sein... si l'on y met du sien.
Cette initiative de Cancer@Work sur le réseau Linked-In en avril par exemple, encore une mauvaise réponse à un vrai problème. Pour que le cancer ne soit plus un frein à l'embauche pour les anciens malades, on nous explique qu'il faut l'afficher fièrement comme une compétence : Fighting Cancer ! Foutaises oui ! Pour commencer, tu n'as bien-sûr droit à la cocarde que si tu as courageusement combattu et vaincu le vilain cancer. Si le cancer a encore le dessus (tu n'as pas fighté mauviette)... Ah mince, mais c'est pas prévu, ça... Autant te dire que les métastasées ne sont pas prêtes de retrouver du boulot. Ensuite, j'imagine bien l'entretien d'embauche avec le recruteur rétif à la plus petite indisponibilité de ses collaborateurs esclaves (déjà qu'il te met au placard au premier congé maternité) : "Ces 18 mois de traitements lourds ont renforcé mon tempérament combatif et courageux. J'ai pu développer mon sens de l'organisation dans un agenda contraignant : j'ai réussi à jongler entre les séances de radiothérapie quotidiennes et mes obligations familiales. Le cancer m'a enfin appris l'humilité, parce qu'on en bave bien quand même hein...". :D :D :D N'importe quoi ! Ce n'est pas au malade d'endosser le risque de l'éducation de l'entreprise à la maladie ! C'est à l'entreprise de s'éduquer d'abord ! À elle de se former, s'organiser et collaborer avec la médecine du travail pour faciliter le retour à l'emploi de l'ancien malade... ET DU TOUJOURS MALADE qui peut travailler ! C'est au monde du travail de se mettre au travail !
Autant te dire que c'est pas pour demain.
Surtout si on continue à matraquer l'image d'une maladie noire dont seules les meilleures réchappent.