18 Septembre 2013
Les ailes du moulin à vent de Batz
sont sur la gauche. De temps en
temps l'été, elles tournent pour
faire de la farine de blé.
Du marais salant à gauche. Du marais salant à droite. Le soleil du matin droit devant. Je suis seule avec mes réflexions et mes questions pour Super Mario.
De la pelouse, des feuilles, du vert partout ! Je n'aime pas venir ici. Mais au moins le cadre n'en rajoute pas. À Gustave Roussy, la tour de béton très haute dans le ciel blanc de Villejuif, me donnait des envies de fuite.
Pas grand-chose en fait. C'est une consultation rapide. Sans examens. Sans bilan. "Parce que j'en ai besoin". C'est Super Mario qui le dit. J'ai besoin d'être rassurée, c'est vrai. Mais Super Mario ne peut pas me rassurer : il ne guérit pas, il soigne.
On continue les injections mensuelles de Denosumab pour consolider les os. On les fait sous cortisone pour m'éviter les essoufflements habituels.
On tient. "C'est pas le moment de lâcher". On doit tenir le plus longtemps possible pour bénéficier des dernières avancées de la médecine quand le cancer va se réveiller. "De nouveaux traitements, les thérapies ciblés sont en train d'arriver".
On arrête de se poser des questions sur la vie, la survie, la mort, les statistiques du plan cancer 2009-2013 que j'ai lues pour m'y situer. Je suis hors statistiques de toutes façons. Je viens de le comprendre avec Super Mario. J'ai récidivé avant le cap des 5 ans qui permet de rester dans les chiffres. Je ne fais pas partie des 82% de survies à 5 ans. Encore moins des 71% de survies à 10. Moi, je suis dans les 18% qui ont merdé dès le départ et qu'on ne suit plus.
Elle s'appelle SToRM. Je vais faire partie des 1000 femmes de l'échantillon. 1000 femmes atteintes d'un cancer du sein qui s'est barré en sucette. Nous allons être comparées aux 7000 femmes de l'étude SIGNAL. 7000 "veinardes" dont le cancer est sagement resté dans les roploplos.
Tout ça pour comprendre tenter de comprendre ce qui nous prédispose, génétiquement, à développer un cancer métastatique. L'étude ne débutera réellement qu'en 2014. Pour le moment, ils recrutent encore. Je doute que tout cela me serve un jour. Pour moi c'est trop tard. M'enfin, si ça peut éviter mes déboires à quelques jeunes femmes dans 5 ou 10 ans. C'est déjà ça.
Du coup, avant de quitter le Centre, je passe par la case prise de sang. Parce que les chercheurs en ont besoin pour chercher.
Les ailes du moulin à vent de Batz sont sur la droite. Le jour s'est franchement levé et le ciel est franchement bleu. Je sais qu'il est gris à Paris. Je souris (Pardon, amis de Paris). C'est bon de sourire. Je n'étais pas bien guillerette en partant de Nantes. Je ruminais les mauvaises statistiques et ces études qui ne me sauveront pas.
Au Croisic, je me sens plus légère. Il fait beau. Je regarde les bateaux en longeant les quais. Les vieilles façades de pierre. Je me gare devant la barrière bleue. J'ouvre la portière. Les odeurs d'océan me remplissent les narines. Dans l'escalier de la maison, j'entends les rires des petits hommes.