22 Juillet 2013
Je promène Isséo le chiot. Le tout petit homme m'accompagne. Nous voilà tous les trois sur la cale de la S.N.S.M., pieds et pattes dans l'eau fraiche de la marée montante. Ô joie. Ô plaisir simple et si bon à la fois !
Un homme s'approche. Un bidon dans chaque main. Et un autre bidon, le sien, sacrément volumineux, saucissonné serré dans la ceinture de son petit short beige. Nous lui souhaitons le bonjour, car le gros bidon ne semble pas disposé à formuler le premier, la plus petite marque de politesse. Il se penche et entreprend de remplir ses récipients de plastique à côté de moi. Puisqu'il est peu disert, je reprends de mon côté les activités interrompues. J'appelle Isséo, encore ruisselant du dernier bain. Inutile d'en faire des caisses : Isséo aime l'eau. Le voilà accourant, galopant, développant ses quatre papattes bien larges, shootant dans ses longues oreilles à chaque foulée... Pardon ? C'est un cocker oui. Il nage maintenant insouciant, tout à son bonheur, entre le gros bidon, le tout petit homme et moi.
"Non mais franchement, vous pouvez pas aller faire nager votre chien ailleurs ?!"
Gros coup de frein rabat-joie. Je suis sonnée. Je viens de me prendre le cadre de la scène de liesse familiale dans les gencives. Le gros bidon a parlé. Il est mécontent. Je ne comprends pas ce qui me vaut son agacement et le lui signifie gentiment.
"On n'a pas idée ! Je viens chercher de l'eau et votre chien me saute dessus.
- Il ne vous a pas sauté dessus. Quel est le problème exactement, je ne vous comprends pas.
- Ça non, vous ne comprenez pas grand chose..."
Avant, je l'aurais tout bonnement noyé profond sous un flot d'injures grossières et je me serais régalée de la décomposition de sa grosse tête bouffie prenant l'eau. Je lui aurais fait bouffer sa panse jusqu'à ce qu'il en pète par tous les trous et tous les pores et je l'aurai fini à coup de tong. Mais ça, c'était avant*.
Ce matin, je pose un vaste mouchoir sur ses petites phrases assassines. Je cherche à comprendre le gros bidon courroucé. Je finis par saisir qu'Isséo "souille" l'eau de mer pure qu'il est venu quérir ici, pour rincer les coquillages pêchés le matin. Incroyable... Il a devant lui en flottaison des algues à foison, des brindilles en abondance, des plumes par dizaines de goélands et autres volatiles marins et ce connard fait une fixette sur mon toutou tout propre - tout net, rincé quotidiennement à l'eau douce après chaque bain dans l'Atlantique. Je suis très tentée de révéler au gros bidon que je viens d'uriner précisément à l'endroit où il emplit ses jerricans. Je garde ce savoureux secret pour moi et lui recommande très hypocritement un autre endroit, éloigné de l'entrée du port, sans doute plus épargné par la pollution des moteurs de bateaux. Le gros bidon ronchonne qu'ici c'est très bien, fait volte face avec ses bidons pleins et alors qu'il remonte la pente douce de la cale, je lui souhaite une très bonne journée.
*NDB (Note de Bibi) pour les nouveaux venus sur le blog :
"Avant", c'était avant de tomber malade. Je suis atteinte d'un cancer du sein métastatique. Le genre qui récidive un peu partout et qui finira par m'avoir un jour plus ou moins proche lointain. Mais le moral lui, n'est pas atteint. Je vais bien. Plutôt très bien même en général. Je mène une existence heureuse, débarrassée de ce qui encombre. Même les GRINCHEUX DE L'ÉTÉ sont devenus une source de rigolade... Enfin... Faut trop me chercher quand même hein ?! :D