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Les crabes dansent au Croisic

Je ne guérirai pas, mais je vis gaillardement (la plupart du temps) : FAUT PAS GÂCHER !

Scan me, I'm famous !

Nouvelle nuit sans sommeil au Croisic.

3H01. La jeune génération Fromze Bridge vient d'atomiser mes velléités de dodo pour la seconde fois. Retour de virée. Les 4 portes de la voiture claquées successivement, c'est mieux, et sans retenue aucune. Abondants commentaires fanfaronnés sur le perron... On a l'allégresse et la vivacité dans les gênes chez les Fromze Bridge. Je vais donc mettre ma veillée forcée à profit. Abordons un incontournable du parcours médical de l'égrotant : le scanner.

 

Pour commencer, le scanner, à quoi ça sert ?

Sans en faire des tartines, le scanner recherche les anomalies que l'on ne voit pas à la radio ou à l'échographie. Les rayons X ne sont pas figés. Ils tournicotent autour de vous. Du coup, ça vous photographie le corps en tranches fines. Vous voilà saucissonné sur écran, scruté par un bataillon médical planqué derrière une vitre plombée. Tant de technicité et de précision pour soigner, c'est bougrement ébouriffant. Je suis bien incapable de dénombrer les fois où j'ai eu le privilège d'en bénéficier. Quantité infinie de scanners depuis 1996... Mais je peux raconter le tout dernier, pas plus tard que la semaine dernière !

 

Le scanner, c'est tout un cérémonial :

La veille déjà, première formalité : le micropaque scanner. Pour opacifier le tube digestif sur les photos, il te faut ingérer sans broncher un demi litre d'une mixture laiteuse, arôme fruit de la passion. Mieux vaut avoir l'estomac vacant pour l'opération. De même, abandonne tout projet de ripaille ensuite. Micropaque scanner, c'est rassasiant. Une heure avant l'examen, il te faudra recommencer. Un demi litre encore. Anticipe : mange modérément avant, abstiens-toi tout à fait. Autre précaution à prendre : vérifie la proximité (et la disponibilité) de toilettes. En effet, les envies de pipi sont constantes quelques heures durant. Dans certains cas d'ailleurs, l'opération se corse : malgré l'absorption d'un bon litre d'eau, il t'est formellement interdit de te soulager la vessie pour tout bien dilater dedans. C'est peu commode. Mais c'est ainsi.

Le jour J arrive enfin : dans la cabine, on te pare de la plus belle des blouses bleues du service de radiologie. C'est une blouse inhabituelle. Une blouse illusion. Fort légère, joliment transparente en réalité et ne se fermant qu'en un point par simple nouette. Te voilà proprement à poil pour circuler dans les couloirs. Ne cherche pas à en demander une autre : les bleues foncées sont attribuées depuis toujours aux cabines IRM. Tu dérangerais le personnel qui a bien plus important à faire que de chahuter les usages en vigueur.

La cabine de Peter le Manipulateur.

La cabine de Peter le Manipulateur.

Voici d'ailleurs Peter. Peter est manipulateur. C'est inscrit sur la poche de sa blouse blanche, blouse habituelle et habillante celle-ci. Je me dis instantanément que ce doit être épineux parfois, pour Peter, de révéler sa profession.

"Et votre métier, c'est...?
- Je suis manipulateur. Je manipule. Des malades.
- Vous manipulez... Des malades... Bien...

(Restons prudents, cet homme tient des propos étranges)"

Certes, Peter manipule :
Pouf, il fait tomber le matériel de la boite stérile sur le papier de son charriot.
Hop, le masque sur le museau.
Tchac, les gants en latex étirés sur les doigts écartés.

"Etes-vous allergique à la Bétadine ?"

Et zou, le nettoyage circulaire et consciencieux du PAC à la Bétadine jaune.

"Respirez... Je pique !
(Aïe. Je n'ai mis de patch anesthésiant cette fois)"

Pose du cathéter, sérum physiologique dans la perfusion, vérification du retour. Quand il pompe, je sens ce goût d'oeuf pourri dans la gorge. Cela fait partie de ces réactions aux soins, de ces sensations insolites. Je les connais si bien que je les attends. Je sais le moment précis où elles se produisent.
Peter termine ses manipulations, sparadrate l'aiguille coudée sur ma peau, jette ses gants, son masque, le mien, fait place nette et vide les lieux. Me voilà seule sur mon grand fauteuil en skaï, avec ma potence, mes fils, mon goutte à goutte. La caméra me regarde depuis le coin là haut. En cas de malaise, Peter reviendrait au galop.

"Me voilà seule sur mon grand fauteuil en skaï, avec ma potence, mes fils, mon goutte à goutte".

"Me voilà seule sur mon grand fauteuil en skaï, avec ma potence, mes fils, mon goutte à goutte".

Quelques minutes plus tard, revoilà justement Peter. Pas de malaise. Mais il est temps de passer dans la grande salle. Peter marche à grands pas avec la potence sur roulettes. Reliée à la perfusion qu'il pousse devant lui, je le suis comme un toutou en laisse, tricotant des papattes pour rattraper son maitre. Ouverture automatique des 2 grandes portes battantes...

TADAAAAM ! Le scanner est là, devant nous :

Scan me, I'm famous !

Le scanner, c'est comme un bonbon Polo géant avec une couchette au mileu. Pour les bébés nés après 1975, le bonbon Polo, c'est comme un Mentos plat avec un trou au centre ("Polo, le bonbon le plus trou").
Mon nom est inscrit en lettres bâton lumineuses sur l'écran LCD de l'anneau-bonbon Polo. Je suis connue et attendue. SCAN ME I'M FAMOUS ! Et c'est parti mon quiqui !

Mon scanner-bonbon Polo

Mon scanner-bonbon Polo

Je dois baisser mon pantalon à mi cuisse. Je m'allonge en petite culotte avec ma blouse fictive sur le matelas. Cela ne gêne que moi : Peter en a vu d'autres. Je relève les bras au dessus de la tête. Il y a quelques mois, cette position était encore intenable : trop de tensions et de souffrance. La couchette s'élève puis avance dans l'anneau. "Do not stare into beam". Je remarque cette mention qui interdit au scanné de contempler le rayon. Il faudrait être un fieffé con pour le faire, mais après tout... Pas loin derrière, un smiley vert s'illumine et m'indique que je peux respirer. Presque aussitôt, Un smiley joufflu rouge cramoisi prend le relais. La voix mécanique de la machine en rajoute : "gonflez les poumons, ne respirez plus". C'est le moment de s'en mettre plein les alvéoles. La couchette recule lentement. Décompte lumineux : 6, 5, 4, 3, 2, 1. "Respirez". Le smiley vert a la bouche ouverte. Moi aussi : pffffffffffffffffffffffffffff. Je fais ainsi 2 passages "à vide" dans l'anneau-bonbon Polo. Ils permettent aux médecins derrière la vitre et leurs écrans de prendre les mesures au plus juste, la hauteur et la largeur de mon torse bombé. Peter s'approche.

"Je vais injecter le produit de contraste".

Le liquide pénètre dans mon corps par la veine cave sous la clavicule gauche. Je le sens qui s'infiltre et qui progresse. Encore des sensations connues et attendues : le goût d'alcool blanc dans la gorge d'abord, puis l'onde de chaleur dans le ventre, le bassin, l'entre jambe, le fourmillement... Et l'impression de me faire pipi dessus ! Une drôle de surprise la première fois. J'étais redescendue de ma couchette bien embarrassée, jetant un regard discret à mon fond de culotte. Mais c'était "just an illusiooooon. Boop Boop Boop Boop Ahaa !" D'ailleurs, la vague tiédit puis disparait. La machine se réveille. Vrombissement crescendo de l'avion préparant son décollage. L'anneau-bonbon Polo tournoie cette fois. Fiz fiz fiz fiz fiz ! Début du 3ème passage. Même rituel. Je rentre et sors de la boucle, en respectant à la lettre, les ordres de la voix.

Fin de l'examen. La couchette s'abaisse. Elle revient à hauteur normale. Je descends sans me casser les cannes et remonte promptement mon pantalon. Peter empoigne la potence et me revoilà trottinant derrière lui, serrant les pans de la blouse indécente pour me couvrir la poitrine, si possible. Super Mario a déjà les yeux rivés sur les clichés dans le mirador vitré. C'est la première fois que je le repère ici. Peter me confirme dans la cabine où il me libère de mes entraves tubulaires, qu'il ne l'y avait jamais vu non plus. Serait-il aussi pressé que moi de savoir ce qui se trame dans mes entrailles ? A moins qu'il ne soit tout bonnement pressé d'aller déjeuner ?

 

Pour les résultats ?

À l'ouest rien de nouveau ! J'ai tout raconté ici les amis.

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