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Les crabes dansent au Croisic

Je ne guérirai pas, mais je vis gaillardement (la plupart du temps) : FAUT PAS GÂCHER !

Si le bonheur existe, c'est une épreuve d'artiste

Si le bonheur existe, c'est une épreuve d'artiste

J'ai hésité avant d'écrire ce qui suit. J'ai hésité.

Cette nuit à 2H42, c'est forcé, j'écris.

Pour ce qu'elle représente et ce qui disparait un peu plus avec elle. Un bout de l'enfance. De l'été 80. La R12 orange flambant neuve de mes parents.  Mon grand-petit frère et moi à l'arrière, sur les fauteuils de skaï noir. Nationale des vacances, traversée de la France vers les Pyrénées orientales, le chalet tout frais acheté lui aussi. Lama, Brassens, Moustaki, Mouskouri et une petite jeunette dans le radio-cassette. Il jouait du piano debout. Mes premiers enregistrements sur K7 TDK 60 minutes à partir de la bande FM pyrénéenne. Toutes mes économies dans ma première mini chaine  ! La Sony, avec les enceintes détachables et un cercle turquoise, là. Musique, et que chacun se mette à chanter ! Légèreté. Insouciance. Adolescence à la Réunion. La mini chaine - et la R12 orange, ont fait le déménagement. Évidemment. Ma première chambre à moi toute seule, dans la maison du lotissement Gayet à Saint Gilles les Hauts. Scotchée sur radio La Buse après le collège. Et la soul musique traine sur la bande FM. Débranche ! On est en 1983. Au secours, j'ai besoin d'amour. Première boum chez Jérôme. Premier baiser avec la langue de David Leberre. Premier amour 15 jours après : Florent Chaussalet. La groupie du surfer car Florent n'est pas pianiste et la grande amie d'Isabelle. 400 coups avec elle ! Fous rires. Connivences. Confidences. Isabelle rentre en Métropole. Seule pour l'année de 3ème. Samba, samba, sans toi, je change, je change de pas. Tibili-bili pa-pa-lia la. C'est tout ça, qui s'effrite avec France partie.

Cette nuit, c'est forcé, j'écris.

Pour ce qui l'a emportée et ce qui lancine dans la cervelle depuis. Des fois que j'oublierais. La vie raccourcie. La mort par asphyxie. Les efforts pour rester debout, dépasser la douleur, les douleurs. La marche, la piscine, la morphine cette nuit parce que décidément, les os rongés du dos lancent trop fort. France partie, c'est le cancer qui revient. Pan dans les dents ! Protéger les petits hommes cette fois encore. Changer de chaîne devant le 20H. Flute : encore France et le cancer !

"Qu'est ce qui ne va pas Maman ?

Rassurer le tout petit homme, planté entre la télévision et moi :

- Ça va mon grand, rien de méchant.
- Mais là, pourquoi tu n'étais pas contente ?

Trouver la répartie convaincante. Vite. Parler plus fort. Couvrir les commentaires d'Anne Sophie Lapix :

- C'est rien, c'est juste que je change de chaîne et que je retombe sur la même chose !"

La même chose... Le prétexte est peu glorieux pour évoquer France et ce qui vient de lui arriver. Remord. Argument : c'est pas que je lui tourne le dos, c'est que tournée tout à fait vers mes petits, je suis moi même tourneboulée. Je m'échine à les empêcher d'entendre les 3 mots qui aplatissent, 3 mots mis ensemble, "MORTE-d'un CANCER-du SEIN". Ont-ils entendu ? Et mon Homme tout à côté sur le canapé, qu'est-il en train de cogiter ? Moi, c'est con j'en ai conscience, mais comme à chaque fois dans ces occasions là, je fais marcher la calculette : entre 93 et aujourd'hui, voyons... France aurait vécu 25 ans avec son cancer ? Était-ce le même que le mien ? Sans doute pas : il semble qu'il lui ait foutu la paix un bon moment avant de s'inviter à nouveau. Grade 1, 2 peut-être ? Certainement pas 3. Et pas un stade 4 d'emblée. Peut-être était-ce aussi un triple positif ? Celui là, depuis l'arrivée de l'Herceptin, on a de quoi le contenir plus longtemps que les autres. Ou alors un hormono dépendant  comme moi ? Combien de temps a t-elle tenu à l'hôpital américain après la récidive aux poumons ? Je ne voudrais pas mourir à l'hôpital ! Mais quand on est sous oxygène, peut-on seulement faire autrement ? On doit souffrir, non, quand on manque d'air ? On sait, c'est sûr, qu'on vit ses derniers moments. Les réflexions, les questions sans réponses s'enchainent et s'entre-choquent.
 

Cette nuit, c'est forcé, j'écris.

Parce qu'il m'est impossible de dormir.

 

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